Hop, jour 4 !
Lorsque je me réveille, j'écarte les lattes des stores vénitiens et tombe nez à nez avec Film qui se promène en liberté. Un peu plus loin, je vois l'étalon et Tyler, attachés chacun à un piquet. Film est le seul des chevaux qui n'est jamais attaché la nuit car il lui arrive de tirer au renard. Mais si les trois autres chevaux sont attachés, aucun risque qu'il s'en aille.
Au petit-déjeuner, surprise : il y a quelque chose de nouveau, on dirait que c'est des beignets. Mais ces satanés bulgares, tels que je les connais, ils sont capables de nous avoir fait des beignets à la fêta ! Je goûte, c'est sucré, je suis aux anges ! Je dévore ma part et finit celle de Miro. Je me sens revivre. Manquerait plus qu'un petit bout de chocolat et tout serait parfait !
Après le petit-déjeuner, nous allons retrouver nos chevaux déjà sellés. Miro refuse toujours de nous laisser les préparer et il se lève bien avant nous pour que tout soit prêt. Attaché à un tracteur,Tyler m'attend en finissant sa nuit.
Nous sommes en train de remplir nos sacoches quand trois énormes camions de bucherons débarquent sur la route. Nous voilà forcé de bouger les chevaux pour leur céder la place et nous retournons sur l'étendue d'herbe où nous les avions laissés hier soir.
Nous attendons Miro, qui doit encore enlever les crottins de l'étendue d'herbe où étaient les chevaux cette nuit. Évidemment, il refuse catégoriquement de nous laisser l'aider. Nous attendons, la brume nous envahit. Elle se déverse littéralement sur nous, coulant de la cime des sapins. Nous câlinons les chiens et prenons quelques photos.
Notre gîte de cette nuit. Architecturalement parlant, on a vu mieux !
On dirait pas comme ça mais il y a du soleil. Il est là, caché derrière la brume !
Enfin, Miro finit son travail, bâte Glotché et en route, mauvaise troupe !
Nous cheminons sur une large route forestière, sur laquelle circulent notamment les gros camions que nous croisés. Ils ouvrent une voie à travers la forêt pour installer des éoliennes sur une hauteur.
Le soleil perce enfin la brume, nous trottons puis nous galopons. La température devient agréable.
Au milieu d'un galop, Miro nous fait signe de nous arrêter. Dans la boue, sur le bord du chemin, il y a des traces d'ours.
Ce sont les traces du bas. Celle du dessus, c'est une patte de la chienne.
Elles sont toutes petites, Miro pense à une jeune mère, trop jeune pour savoir d'expérience qu'en cette période, elle devrait être plus bas dans la vallée pour trouver de la nourriture.
Un peu plus loin, nous traversons une grande étendue de hautes herbes jaunes. C'est le moment de faire une petite pause, dans un paysage magnifique. Maintenant, il fait franchement beau. Je savoure ce moment.
Nous repartons.
Courte pause à un abreuvoir. Tyler, plus blanc que blanc, probablement lavé avec Omo...
Film nous fait son scénario habituel avec l'eau. Ça dure des plombes. Au bout d'un moment, Miro décrète qu'il a assez bu et que c'est juste un moyen de retarder le départ. Et il a probablement raison !
On repart. Une brève incursion dans la forêt et nous voilà de nouveau dans une grande prairie d'herbes sèches.
Nous nous arrêtons pour pique-niquer au bord de la forêt.
Le vent est froid, Miro nous propose de faire un petit feu, à notre plus grand plaisir. C'est l'occasion de varier un peu le menu : nous nous faisons cuire dans la cendre une papillote de saucisse grillée au fromage fondu. Tout simplement délicieux !
Ensuite, nous ramassons à nos pieds, quelques faines (les fruits du hêtres) et les faisons griller dans une nouvelle papillote. Le temps de cuisson est à revoir mais même un peu trop grillé, c'est sympathique. En dessert, j'attaque une énorme pomme verte qui se révèle vite bien trop acide à mon goût. Heureusement, Tyler est bien moins difficile que moi ! Si seulement on avait du chocolat...
Pendant le repas, Miro nous confie qu'il a eu quelques malheurs hier soir. La bouteille en plastique pleine de rakkia maison que lui avait offert le prêtre s'est cassée dans son sac et toutes ses affaires sentent la rakkia. Nous compatissons à son triste, surtout Hélène qui aurait bien aimé boire un peu de rakkia ce soir...
Nous bullons un moment, tant que le soleil nous réchauffe un peu.
Notre petit campement, vu d'en haut
Filmy, gravure de mode
Et puis, nous repartons.
Miro et son étalon cavalent devant...
… tandis que Film et moi, on lambine !
Rapidement, nous quittons les hautes herbes pour nous enfoncer dans la forêt de hêtres. Nous pénétrons à peine sous le couvert des arbres que la température baisse subitement de plusieurs degrés. Il fait sombre. Nous marchons sur un sentier étroit qui serpente entre les arbres. Je remercie Tyler qui, à chaque arbre, tourne suffisamment large pour m'éviter de me cogner le genou dedans.
Glotché, lui, fonce comme une brute entre les troncs et j'entends souvent les paquets du bât racler contre l'écorce. Stupid pack horse !
Au détour d'un chemin, nous tombons sur un premier panneau nous indiquant que nous rentrons dans le parc national. Attention aux ours !
Nous sortons de la forêt et rencontrons un deuxième panneau, devant lequel nous faisons une petite pause, tandis que Miro nous raconte un peu l'histoire du parc.
Ensuite, nous grimpons lentement jusqu'au refuge, dans de grands espaces de plus en plus vides.
L'arrivée au refuge en mode « poor lonesome cowboy »
Nous sommes accueillis par un jeune homme, assez sympathique au demeurant. Nous prenons un thé dans la salle à manger et Miro nous explique qu'il n'y a pas d'eau courante en ce moment. Le refuge est situé sur un sommet et avec la sécheresse, il n'y a plus d'eau nulle part aux alentours. La citerne située sous le refuge est presque vide alors, pour économiser l'eau, nous ne pourrons pas prendre de douche ce soir.
Nous posons nos affaires dans notre chambre. Comme nous sommes les seuls randonneurs du refuge, nous avons le dortoir pour nous toute seules ! Nous réquisitionnons la rangée de lits superposés au fond du dortoir. Hélène prend le haut, moi le bas. Les matelas sont posés côté à côté sur de grandes planches et en été, quand le refuge est plein, ça veut dire que tout le monde peut dormir juste à côté d'une personne inconnue. Mais pour le moment, il n'y a que nous !
Ensuite, c'est le moment de visiter le petit coin. Sans eau courante, impossible d'utiliser les toilettes du refuge. Nous allons donc aux latrines qui sont dehors. Un côté homme, un côté femme. Lequel est lequel ? Ni Hélène ni moi ne lisons le bulgare. Je me propose de choisir le côté le plus propre mais ils sont aussi repoussants l'un que l'autre. L'odeur est insupportable, c'est aussi ça, l'aventure !
Pour cette fois-ci, nous nous contentons de faire pipi derrière la cabane. Lourde erreur... Visiblement, d'autres personnes que nous ont eu du mal à entrer dans les latrines, l'endroit est miné... Je repars avec une chaussure franchement nauséabonde et la ferme intention de ne pas y revenir ! Il va falloir trouver une autre solution... !
Après ces aventures dans les latrines, nous consacrons le temps habituellement dévolu au rituel de la douche chaude à prendre un grand bain de soleil dehors.
La vue, juste devant nous
Un peu plus tard, Miro nous retrouve pour une petite balade à pied. Nous partons en direction d'un endroit dégagé, dans l'espoir d'y voir des cerfs. Le sentier est très escarpé et je peine à suivre Miro et Hélène. Nous restons un petit moment sur une hauteur, à surveiller les environs, dans le soir qui tombe petit à petit.
Sur les crêtes en face de nous, le vent est si fort qu'il pousse la brume au-dessus des sommets. En hiver, il n'est pas possible de skier ici car il envoie la neige de l'autre côté des sommets. De fait, il y a très peu de station de sports d'hiver en Bulgarie, en partie à cause de cela.
Après avoir attendu un bon moment, nous finissons par rentrer bredouilles, vaincus par le froid. Sur le chemin du retour, nous entendons très nettement le brame d'un cerf à quelque distance de là.
En passant, nous payons un petite visite nocturne à nos montures
À peine arrivés au refuge, nous nous mettons à table. Notre hôte nous sert une bonne soupe bien chaude puis une assiette de viande grillée avec une purée maison. En dessert, un infâme chocolat liégeois industriel que je dévore en moins de deux cuillères tant je suis en manque de chocolat !
Pendant que nous mangeons, le gérant prépare un repas dans la cuisine pour un ami à lui, venu lui rendre visite. Ils écoutent de la musique très fort et rient quasiment aussi fort. Après le dessert, ils nous invitent, nous et Miro, à venir boire un verre avec eux.
Âgés d'une trentaine d'années, ils ne parlent pas un mot d'anglais mais quand il s'agit de partager un verre de bière, de vin ou de rakkia, on parle tous la même langue ! Hélène et Miro tournent à la rakkia. Quant à moi, je renonce à prendre une bière, traumatisée par les latrines, et accepte un verre de vin bulgare qui se révèle très buvable. Nous réalisons très vite que la conversation est impossible. Nous n'essayons même pas de nous présenter les uns aux autres, sauf l'ami du gérant qui s'appelle Martin et qui fait un cours de prononciation à Hélène. Nos hôtes bulgares parlent et rient entre eux, Miro participe quelque peu à leur conversation et de notre côté, nous papotons sans nous soucier d'être écoutées. Le gérant nous propose de nouveau à manger, une petite salade de concombres tomates et fêta, ou alors du saucisson, ou bien une autre assiette de viande et de purée. Par politesse plus que par réel appétit, nous picorons des olives et du saucisson, au goût pour le moins prononcé.
Au bout d'un moment, nous sommes forcées de constater que l'accueil de nos deux bulgares est quelque peu intéressé, à en juger par les regards qu'ils nous jettent. Mine de rien, nous sommes assez sûres qu'ils parlent de nous (au moins autant que nous nous moquons d'eux) et de la façon dont ils nous reluquent, ça devient de moins en moins agréable. Miro lui, ne dit pas grand chose, preuve à nos yeux que la conversation de nos deux princes charmants ne doit pas lui plaire tant que ça. Nous rions de la situation et décidons bien vite d'aller nous coucher.
Nous faisons au passage une petite expédition baptisée « pipi dans la montagne ». Ça consiste à éviter les latrines, à s'éloigner un peu du refuge direction la nature sauvage et à pisser sous les étoiles en s'extasiant sur la Voie Lactée ! Grand moment de rigolade. Ça valait le coup de venir !
Et puis nous allons coucher.
Au milieu de la nuit, je suis réveillée par le faisceau lumineux d'une lampe frontale. Probablement Hélène qui va pisser dehors. Je me rendors.
Un peu plus tard, de nouveau, une lumière, mais pas la même. Hélène me braque le faisceau dans les yeux en me demandant : « Tu dors ?
Euh... oui...
Y a Martin qui est venu se coucher à côté de moi, j'ai eu trop peur ! »
Panique à bord ! Effectivement, Martin est venu nous tenir compagnie et, comme le dortoir n'est pas assez grand, il est venu se coucher sur le matelas jouxtant celui d'Hélène. Et Hélène s'est réveillée, a senti une présence et a ouvert les yeux sur son prince qui dormait déjà, étalé sur le dos avec quasiment une main dans ses cheveux. Donc, panique !
Au milieu de la nuit, nous voilà donc debout, à déménager les couvertures d'Hélène qui s'installe à côté de moi sur la rangée de lits du bas. Nous éteignons les frontales mais après cet incident, nous avons de la peine à nous rendormir, tant l'envie de botter le train à ce goujat nous démange. Pour couronner le tout, le voilà qui se met à ronfler comme un sanglier ! C'en est trop pour Hélène qui déménage à l'autre bout du dortoir. Moi, je me contente de mettre mes bouchons d'oreilles et je finis par me rendormir.
Vers cinq heures du matin, je me lève la vessie pleine. Qu'on se le dise : boire trop de vin, c'est comme boire trop de bière, ça ne pardonne pas ! Je fais un tour dans mes toilettes sous la Voie Lactée. Il fait frais mais la vue est sublime, je vais me recoucher après avoir un peu trainé dehors.